TRAQUA teste sa nouvelle technologie dans les eaux souterraines de la Grotte de Han

24 juin 2021

Comment caractériser les eaux souterraines ? Comment savoir à quelle vitesse elles s’écoulent, par quel tracé précis elles passent, comment identifier leurs potentielles sources de contamination et d’interaction ? C’est à toutes ces questions et à ces applications, parmi de nombreuses autres, que la nouvelle spin-off TRAQUA de l’UNamur est capable de répondre. TRAQUA évoque Tracking (suivi) et Water, en plus du latin « Aqua » pour l’eau, plusieurs consonances pour une société experte en techniques et analyses scientifiques dans le domaine de l’hydrogéologie. TRAQUA propose une technologie innovante mise au point à l’UNamur : STREAM, une sonde de fluorescence et de turbidité unique en Europe, compacte et autonome, au service de la protection d’une ressource vitale.  

La majorité de l’alimentation en eau potable de la population mondiale est d’origine souterraine, stockée dans des roches aquifères. En Wallonie, 80% de l’eau de distribution provient du sous-sol ! Précieuses, ces réserves sont plus que jamais mises sous pression par leur utilisation croissante qui impacte tant leur qualité que la quantité d’eau disponible. Bien qu’elles soient cachées sous nos pieds, les eaux souterraines sont pourtant extrêmement vulnérables aux activités humaines en surface. Mieux les connaitre, pour mieux gérer leur utilisation et les protéger, est donc une mission indispensable pour garantir un accès pour tous à l’eau et à l’assainissement dans le futur. Et c’est celle que se fixe TRAQUA, la nouvelle spin-off de l’UNamur créée par Amaël Poulain, hydrogéologue issu du Département de géologie de l’UNamur et Sofie de Volder, business développeuse. « Notre objectif est de proposer des méthodes et des données scientifiques pour documenter, analyser et résoudre des problématiques liées aux écoulements de l’eau. Le milieu visé n’est pas uniquement naturel, puisque nos méthodes peuvent être employées pour des analyses dans des réseaux artificiels (égouts, réseaux de distribution), des milieux industriels, des zones urbaines ou des chantiers de construction », explique Amaël Poulain. 

« Les services proposés vont du simple conseil sur la mise en œuvre des sondes submersibles STREAM et les données collectées, jusqu’à la mise en œuvre complète d’une expertise avec le déploiement d’une méthodologie de surveillance sur le terrain, la collecte et l’analyse des résultats, ainsi que les conseils suivant la problématique à investiguer », ajoute Sofie de Volder. 

Une technologie innovante, unique en Europe

TRAQUA propose donc une gamme d’expertises hydrogéologiques et hydrologiques basées sur l’utilisation de la sonde STREAM, une sonde de fluorescence et de turbidité unique en Europe : submersible, compacte et autonome. « Cet instrument a été créé à destination des nombreux acteurs actifs dans la gestion de l’eau et qui utilisent les méthodes de traçages hydrogéologiques par traceurs fluorescents pour répondre à leurs problématiques d’écoulements ou de gestion de la ressource en eau », précise Amaël Poulain.  

Cette sonde entièrement submersible permet de mesurer automatiquement en continu sur le terrain, la présence et la concentration de nombreuses substances: traceurs artificiels, matières organiques, turbidité de l'eau, température, etc. Objectif ? Fournir un maximum de caractéristiques sur l’écoulement de l’eau étudiée.  
La sonde STREAM présente des caractéristiques performantes et innovantes :  
✓ Elle est 100% submersible et autonome. C’est  à dire qu’elle mesure les paramètres de l’eau de manière automatique, sans aucune source d’énergie ou connexion extérieure. 

✓ Elle est extrêmement compacte et légère, ce qui facilite son utilisation et sa mise en œuvre sur le terrain. Elle peut être installée dans de nombreux milieux : rivière, puits, source, canalisation. 

✓ Elle permet de déployer rapidement de larges réseaux de plusieurs sondes, permettant une surveillance exhaustive à haute résolution temporelle et spatiale sur un site d’étude. 

✓ Elle permet de mesurer les traceurs fluorescents à de très faibles concentrations (invisibles à l’œil nu) sans équipement de laboratoire. Ceci permet d’utiliser ces substances avec parcimonie pour limiter l’impact de la méthodologie. À noter que ces traceurs sont bien étudiés, inoffensifs pour la faune et la flore et sont largement utilisés pour ce type d’investigations. 

✓ Ce type d’instruments étant souvent coûteux à l’achat et à l’entretien, la sonde est proposée en location et vu sa portabilité peut-être facilement expédiée à l’autre bout du monde. De quoi disposer d’une méthodologie de pointe développée, fabriquée et assemblée à 100% en Belgique pour la caractérisation des écoulements souterrains du monde entier. 
Pratiquement, lors d’une expertise qui vise à caractériser un écoulement d’eau (souvent souterrain) on cherche à identifier les connexions hydrologiques, définir le temps de parcours de l’eau ou les caractéristiques du milieu traversé. Pour ce faire, l’équipe de terrain déploie un réseau de sondes, plus ou moins nombreuses selon la complexité du problème et du terrain : sources, puits, canalisations, rivières… les possibilités sont nombreuses. L’avantage principal de TRAQUA réside dans la portabilité et la simplicité de son dispositif de surveillance, rapide à mettre en place et qui offre au final des données à haute valeur ajoutée car la mesure est précise, automatique et réalisée à haute-fréquence (selon le contexte, toutes les minutes, toutes les 5 minutes, 10 minutes…). La plus-value n’est pas uniquement méthodologique, puisque l’expertise scientifique de TRAQUA permet ensuite d’analyser et d’interpréter ces données dans leur contexte et d’en tirer le meilleur parti pour résoudre une problématique ou apporter une caractérisation hydrogéologique. 

Quelques exemples d’applications

✓ Un pouvoir public souhaite connaitre l'impact d’une future infrastructure potentiellement polluante sur les ressources naturelles proches (rivières, nappes phréatiques, captage d'eau potable, zone de baignade). Une injection de traceur sur le site d’implantation et une surveillance par sondes STREAM judicieusement mise en place aux sites vulnérables permettront de déterminer les directions d'écoulements de l'eau souterraine, le temps nécessaire à l'arrivée du polluant et le délai pour réagir le cas échéant. De quoi mettre en œuvre des mesures de protection efficientes. 

 
✓ Un gestionnaire d'un important réseau d'égouttage y constate des dysfonctionnements : mauvaises connexions des canalisations, modifications des sens d'écoulements, interactions entre les eaux usées et l'environnement... Un essai de traçage permettra de déterminer l'organisation des écoulements, les vitesses de ceux-ci, et permettra en outre de diagnostiquer d'éventuelles pertes vers le milieu naturel, ou inversement une alimentation problématique du réseau par de l'eau « propre » (dommageable pour son fonctionnement). 
 
✓ L’érosion des terres arables entraine de très nombreux désagréments : coulées de boues impactant les zones adjacentes et les riverains, pertes de rendement pour l’agriculteur, polémiques sur les mesures à prendre. Des solutions existent et sont régulièrement évoquées : création de zones tampon, bandes enherbées, haies, fossés de drainages… Même si ces solutions sont évidentes, elles ne peuvent pas toutes être mises en œuvre en tout lieu. Afin de prioriser la mise en œuvre de ce type de solutions, une analyse des risques peut se révéler utile. La sonde STREAM permet de mesurer automatiquement la turbidité et la matière en suspension liée à une telle érosion, dans les rivières adjacentes. La mise en place d’un réseau de surveillance à l’échelle d’un territoire donné, pendant une période définie, permettra de déterminer les zones à risques et d’y concentrer les efforts de gestion de manière raisonnée. 

Du laboratoire à l’entreprise : historique du projet

La spin-off Traqua est issue de l’expertise du département de géologie de l’UNamur et plus particulièrement du laboratoire d’hydrogéologie du Prof. Vincent Hallet. Ce laboratoire s’est spécialisé dans les études et l’analyse des écoulements souterrains en milieux karstiques, principalement à l’aide de méthodes de traçages hydrogéologiques.  

Fort d’une solide expérience de terrain en Belgique et à l’étranger et de nombreuses années de recherches, l’équipe mène à partir de 2017 un projet de recherche industrielle First Spin-off (financé par la Région Wallonne- DGO6) porté par le Dr Amaël Poulain, avec pour objectif de proposer des solutions techniques innovantes en matière d’expertises hydrogéologiques par essais de traçages. Le projet se base sur des prototypes de sondes développées, testées et validées depuis 2015 par Geert De Sadelaer, Amaël Poulain et l’équipe du Prof. Hallet en marge de la thèse de doctorat d’Amaël Poulain, financée par le FNRS. Pour mener à bien le développement industriel et la production d’un outil commercialisable, de nombreux partenaires Belges et majoritairement wallons ont été mis à contribution. Le résultat permet de proposer un produit 100% belge, issu d’une recherche universitaire et produite par des acteurs régionaux : la sonde STREAM. 

Après 3 années de développement technique et la mise au point de cette sonde innovante, la spin-off est créé par Amaël Poulain et Sofie de Volder, biologiste et business développeuse ayant rejoint l’équipe en 2020. L’ambition est de promouvoir les méthodologies d’expertises hydrogéologiques appuyées par l’utilisation des sondes STREAM, vu leurs bénéfices pour la protection des ressources en eau. Traqua souhaite étendre le champ d’application de ces méthodes à des contextes et des problématiques toujours plus variées, avec comme point commun les écoulements d’eau, souterraines ou de surface. 

Un terrain de recherche : le Domaine des Grottes de Han

Le Domaine des Grottes de Han est depuis de nombreuses années le terrain d’une recherche scientifique abondante et dans des thématiques très variées (géologues, karstologues, géophysiciens, archéologues, biologistes…). De nombreux acteurs du monde de la recherche s’y côtoient dans les grottes et dans le parc, venant de Belgique mais également de l’étranger. 

Le département de géologie de l’Université de Namur y est présent depuis 2004, avec des recherches scientifiques axées principalement sur l’hydrogéologie karstique, caractéristique des roches calcaires fortement fissurées et donc poreuses et perméables. Ce type d’aquifères calcaires représentent de grands pourvoyeurs d’eau potable à l’échelle mondiale, mais constituent également des milieux très vulnérables et dont le fonctionnement hydrogéologique est difficile à prévoir. Han-sur-Lesse est donc un terrain de jeu très intéressant pour des scientifiques qui s’emploient, depuis plus de 15 ans, à comprendre le fonctionnement des eaux souterraines dans cette grotte emblématique : fonctionnement de la Lesse qui traverse le massif rocheux, vitesse de percolation de l’eau depuis la surface jusqu’aux stalactites, phénomènes de transports de matières en suspensions et d’ensablement de la grotte… Trois thèses de doctorat et une dizaine de travaux d’étudiants y ont déjà été menés. 

L’intérêt de réaliser une recherche scientifique dans le site de Han-sur-Lesse, à la fois touristique et emblématique en Belgique, bénéficie tant aux scientifiques et qu’aux gestionnaires de la grotte. La présence d’équipes scientifiques, la publication continue de résultats de recherches variées (pas uniquement en hydrogéologie) démontrent l’intérêt continu que peut constituer un site tel que celui de Han. Les scientifiques constituent en outre une curiosité touristique supplémentaire qui participe à l’animation mais surtout à l’éducation du public. L’intérêt des groupes de visiteurs se ressent d’ailleurs lorsqu’ils sont amenés à croiser une équipe de recherche en plein travail. Pour les scientifiques, l’intérêt (en plus de travailler sur un site d’exception), est d’avoir une visibilité directe de leur travail, au travers des touristes mais aussi des guides, qui s’informent régulièrement. La vulgarisation des recherches scientifiques est importante, et Han offre cette possibilité aux chercheurs avec un impact immédiat sur le public. 
La recherche scientifique dans ce contexte est également une dimension importante dans une région récemment labélisée par l’UNESCO en tant que Geopark Famenne-Ardenne. Le fil conducteur de ce Geopark est précisément sa géologie et les roches calcaires de la Calestienne qui la parcourent d’un bout à l’autre, présentant de multiples grottes et rivières souterraines. L’étude de ces milieux naturels et l’éducation du public à ces recherches font partie intégrante de ce label et de ses multiples missions.